Nous savons qui était Géza Szőcs. Le savons-nous ? Nous ne le savons pas. Il y avait beaucoup de Géza Szőcs, chacun d’entre eux avait un Géza. Géza lui-même est apparu sous diverses formes, au gré de son humeur. Tantôt en tant que Hongrois, tantôt en tant que Chinois, ou dauphin, ou cygne, revenu d’Amérique en tant qu’Indien, venu aider le père Bem à Segesvár, et ainsi de suite à l’infini. Il a pu être à la fois le roi Attila le Hun et le producteur d’une production hollywoodienne réalisant un film sur Attila. Nous ne savons pas qui était Géza Szőcs, mais ce n’est pas notre affaire, il suffit de deviner qu’il savait au moins quand et pourquoi il changeait de forme.
Nous sommes ici aujourd’hui pour préparer la réponse à la question en dix points du poète disparu : qui sera Géza Szőcs ?
Je ne peux pas répondre à cette question parce que je ne le peux pas. Seuls l’heureux Vieux Dieu et le fumeur de cigares Géza Szőcs le savent.
Je sais une chose. Géza nous a laissé une tâche dans les années 80 du siècle dernier, et je cite :
« VOUS ÊTES L’HÔTEL DE MON FUTUR DESTIN.
De bon cœur, ou en échange de la fortune que je t’ai laissée
Je voudrais aussi vous demander quelque chose : si vous avez mangé, les gars,
et buvait et m’aimait : tu parleras et même tu parleras pour moi, n’est-ce pas ?
ce à quoi j’aurais répondu avec certitude : vous ne laisserez pas passer cela, n’est-ce pas ? comme je l’aurais écrit dans ce poème.
PENDANT QU’ILS M’ENTRAÎNENT
SUR LA VOITURE HIPPOMOBILE À CLIQUETIS DU COMA
RESTERA MON HÉRITAGE POUR VOUS
AMIT ELMONDTAM
ET CE QUE JE NE VOUS AI PAS DIT
I ».
C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui. Pour nous rappeler à nous-mêmes, à nos descendants, que nous avons un devoir : dire et redire ce que Géza a dit, et dire ce que le poète n’a pas dit.
Une mission impossible, car nous ne sommes pas Géza Szőcs. La dernière fois que le Seigneur nous a confié une tâche aussi importante, c’est peut-être lorsqu’il a insufflé l’Esprit dans la chair humaine.
Mais l’impossibilité ne signifie pas qu’il ne faut pas essayer. En fait, la leçon de vie de Géza est que l’impossible signifie qu’il y a quelque chose qui vaut la peine de se lever le matin, de manger, de boire, d’aimer – et d’en parler.
Nous sommes ici aujourd’hui parce que c’est le lieu où les mots ne peuvent pas être amers dans nos gorges.
Et il ne peut pas être amer parce que nous avons eu un Géza Szőcs. Nous avons un Géza Szőcs. Et laissez-nous avoir notre Géza !
Que Dieu nous vienne en aide !